Comprendre la liturgie

Comprendre la liturgie

 

L’orgue et les fleurs

 

I.  Historique

Toute décoration florale est interdite en Avent et en Carême (sauf les dimanches Gaudete et Lætare et la vigile de Noël), le 2 novembre, à toute Messe de Requiem et à toute office funèbre (Cæremoniale episcoporum, lib. II, c. XI, n. 1 ; c. XIII, n. 2 ; c. XX, n. 1). Elle est déconseillée aux Offices d’un double ou d’un semi-double (in diebus festis et solemnioribus), mais permise, même pendant le Carême, pour la fête de saint Joseph et l’Annonciation (S.R.C. n. 3448 ad 11).

Ces sentiments (de Chanoine Lesage, Cérémoniaire de Paris, 1952) sont partagés avec unanimité par tous les auteurs liturgiques. En réalité, le Cérémonial ne mentionne pas spécifiquement des fleurs, mais traite de l’ornementation de l’autel – ou plutôt de son absence – ce que les auteurs approuvés appliquent autant aux reliquaires qu’aux fleurs. Il semble que, pour trouver une mention spécifique de fleurs sur l’autel dans un livre liturgique, il faut attendre la réforme de la Vigile pascale (1951/1956) où il est dit (au n. 29) que, pendant que les ministres sacrés s’habillent pour la messe au cours de la deuxième partie des litanies, on orne l’autel de fleurs.

Le parallélisme des reliquaires et des fleurs permet de mieux comprendre le rôle de ces derniers dans la liturgie classique. Les reliques des saints prennent place sur l’autel parce que les saints sont pleinement entrés dans le Sacrifice du Christ ; dans un autre registre, des fleurs coupées, tout comme la cire et l’encens, seront consommées par leur usage liturgique. Les reliquaires sont apportés à l’autel en des jours de fête, et ensuite retirés ; ils ne servent nullement comme décoration permanente de l’autel. Enfin, aux jours de pénitence, d’ascèse ou de deuil, l’attention est concentrée plus exclusivement sur Notre Seigneur, et toute ornementation de son autel est bannie.

L’Instruction sur la Musique sacrée et la liturgie (S.R.C. 3 septembre 1958) résume les règles classiques sur l’usage de l’orgue dans la liturgie :

80. Puisque le jeu de l’orgue et plus encore celui des autres instruments constitue un ornement de la liturgie, l’emploi de ces instruments doit être réglé selon le degré de joie qui distingue les divers jours ou temps liturgiques.

81. Dans toutes les actions liturgiques, excepté seulement la Bénédiction eucharistique, le son de l’orgue et de tous les autres instruments de musique est donc interdit :

  1. Au temps de l’Avent, c’est-à-dire des premières vêpres du premier dimanche de l’Avent jusqu’à none de la vigile de Noël.
  2. Au temps du Carême et de la Passion, c’est-à-dire des matines du mercredi des Cendres jusqu’à l’hymne Gloria in excelsis Deo à la messe solennelle de la Vigile pascale.
  3. Le mercredi, le vendredi et le samedi des quatre-temps de Septembre, si on en fait la messe et l’office.
  4. A tous les offices et messes des défunts.

82. Le jeu des autres instruments, sauf le jeu de l’orgue, est interdit en outre les dimanches de Septuagésime, Sexagésime et Quinquagésime et aux féries qui suivent ces dimanches.

83. Cependant, pour les jours et les temps interdits ci-dessus, on établit les exceptions suivantes :

  1. Le jeu de l’orgue et des autres instruments est permis aux jours de fêtes de précepte chômées (les dimanches étant exceptés), et aussi aux fêtes du patron principal du lieu, du titulaire, de l’anniversaire de la dédicace de l’église propre, et du titulaire du fondateur de la famille religieuse ; ou bien si se présente une solennité extraordinaire ;
  2. Le jeu de l’orgue ou de l’harmonium seulement est permis le troisième dimanche de l’Avent et le quatrième dimanche de Carême ; et aussi le jeudi saint à la messe chrismale, et au début de la messe solennelle du soir « in Cena Domini » jusqu’à la fin de l’hymne Gloria in excelsis Deo ;
  3. De même, le jeu de l’orgue ou de l’harmonium seulement est permis à la messe et aux vêpres, uniquement pour soutenir le chant.

Les ordinaires des lieux peuvent déterminer plus précisément ces prohibitions ou permissions selon les coutumes approuvées des lieux ou des régions.

84. Pendant tout le Triduum sacrum, c’est-à-dire de la mi-nuit où commence le jeudi saint jusqu’à l’hymne Gloria in excelsis Deo à la messe solennelle de la Vigile pascale, l’orgue et l’harmonium doivent se taire totalement, et n’être même pas employés pour soutenir le chant, sauf les exceptions établies plus haut, n° 83 b. Le jeu de l’orgue et de l’harmonium est interdit pendant ces trois jours, sans aucune exception, et nonobstant toute coutume contraire, même dans les pieux exercices.

85. Les recteurs des églises, ou ceux que cela concerne, n’omettront pas d’expliquer dûment aux fidèles le motif de ce silence liturgique, et n’oublieront pas de veiller à ce que, aux mêmes jours et aux mêmes temps, les autres prescriptions liturgiques interdisant d’orner les autels soient également observées.

II.  Actualité

L’Instruction « Musicam sacram » (S.C.R. 5 mars 1967) :

65. Dans les messes chantées ou lues, on peut utiliser l’orgue, ou quelque autre instrument légitimement admis, pour accompagner le chant de la chorale et du peuple. On peut en jouer en solo avant l’arrivée du prêtre à l’autel, à l’offertoire, pendant la communion et à la fin de la messe. On peut appliquer la même règle, en l’adaptant correctement, dans les autres actions sacrées.

66. Le jeu en solo de ces instruments n’est pas autorisé durant le temps de l’Avent et du Carême, pendant le triduum sacré et dans les offices ou messes des défunts.

Cæremoniale episcoporum (1984) :

48. On n’ornera pas l’autel de fleurs depuis mercredi des Cendres jusqu’à l’hymne Gloria in excelcis de la vigile pascale, ni dans les célébrations pour les défunts. Sont toutefois exceptés le dimanche Lætare (4e de carême) et les solennités et fêtes.

236. Pendant le Temps de l’Avent le jeu de l’orgue et des autres instruments de musique et l’ornementation florale se fera avec la modération qui convient au caractère de ce temps sans, pour autant, anticiper la pleine joie de la nativité du Seigneur.

252. En ce Temps [de Carême] il est interdit d’orner l’autel de fleurs, et le jeu d’instruments n’est permis que pour soutenir le chant. Sont toutefois exceptés le dimanche Lætare (4e de carême) et les solennités et fêtes.

824. Dans la célébration des obsèques (…) on n’ornera pas l’autel de fleurs. Le jeu de l’orgue et d’autres instruments n’est permis que pour soutenir le chant.

Le chant sacré qui est lié aux paroles fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle, comme le rappelle la Constitution Sacrosanctum Concilium (n. 112), tandis que le jeu de l’orgue ou des instruments n’est que de l’ornementation. Chanter convenablement sans l’omniprésent soutien (ou cache-misère) du jeu de l’orgue requiert souvent plus d’application de la part des fidèles et des chantres, ainsi qu’un plus grand « sacrifice » du temps que ces derniers passeront en répétition. En récompense, ceux qui préparent avec soin les chants authentiques pour pouvoir les donner « sans béquilles » se trouveront en quelque sorte imprégnés des sentiments de l’Église, tandis que tous seront frappés, et par ces moments où l’Église chante son Seigneur en se passant volontairement de toute aide mécanique, et par le retour de la splendeur instrumentale qui en sera l’aboutissement.